A propos de Gaza, paroles de Mariam Abu Daqa

Prise de paroles de la militante palestinienne Mariam Abou Daqqa le 27 octobre 2023 à Marseille

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Prise de paroles de la militante palestinienne Mariam Abou Daqqa le 27 octobre 2023 à Marseille

Mariam Abu Daqa, membre du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP), a été arrêtée à Marseille lundi 16 octobre 2023 et assignée à résidence dans un hôtel de la ville dans l’attente d’une expulsion du territoire.
Elle était en France depuis 2 semaines pour y tenir plusieurs conférences.
Le tribunal administratif a suspendu son arrêté d’expulsion le 20 octobre. Mais cette décision sera annulé le 8 Octobre 2023 par le Ministre de l’intérieur français pour "risque de troubles à l’ordre publique" une décision qui entrainera son arrestation et sous escorte policière une sortie du territoire français. Vous trouverez ici une succession d’échanges rappelant les faits mais aussi un portrait de Mariam.

Marseille le 27 oct 2023, dans le cadre d’une séance du festival Ciné Palestine au cinéma le Gyptis à Marseille, elle témoigne aux cotés de Pierre Stambul (UJFP) des conditions de vie des gazouis.
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Portrait et actualité -
L’expulsion de Mariam Abu Daqqa, par Alessandro Barbieri. – contribution P.A /
"Une expulsion injustifiée, menée avec violence sans qu’aucun délit n’ait été
commis et avec un visa valide", tel est le commentaire d’Elsa Faucillon,
(députée réinvestie par le PCF, dans le cadre de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (NUPES), dans la première circonscription des Hauts-de-Seine) lorsqu’elle retrouve Mariam Abu Daqqa, dans l’après-midi du 9 novembre, à Paris. Cette militante palestinienne des droits des femmes âgée de 72 ans, se trouve alors dans le commissariat du 12e arrondissement. Elsa a utilisé son statut en tant que membre de l’Assemblée nationale et de son droit de pénétrer et visiter tous les lieux publics, y compris les lieux de détention carcéral. Elle rapporte avoir trouvé Mariam « derrière un banc, allongée, visiblement en état de choc, cachée sous une couverture et gardée par deux hommes armés ». Plus tard, Mariam Abu Daqqa est ramenée à son hôtel pour récupérer ses bagages, afin d’être conduite au centre de détention administrative du Mesnil Amelot puis à l’aéroport de Roissy Charles de Gaule pour embarquer sur le vol Air France à destination du Caire vers 19 heures. Pendant le trajet, elle raconte à son avocate Me Gonidec qu’elle avait été interrogée toute la nuit par la police française sans pouvoir prendre ses médicaments ou être visitée par un médecin.
Son séjour sur le sol français avait déjà été contraint par une assignation à résidence sur Marseille. Suite aux attaques du 7 Octobre 2023 en Israël, le Conseil d’État français avait anticipé Mariam comme une potentielle menace de l’ordre publique français et demandé son expulsion du territoire. Les différents éclairages venus de Palestine sont source d’inquiétudes pour les autorités françaises et de conflits idéologiques. Mariam n’appelle pourtant pas à l’embrasement international lors de ces prises de paroles en France, mais témoigne des pertes civiles sans commune mesures que subissent les gazaouis et dont elle est directement victime avec la perte de plus d’une vingtaine de membres de sa famille. Quel est le volet diplomatique de cette militante ?
Mariam Abu Daqqa est présidente de la Palestinian Development Women Studies Associations (PDWSA, http://pdwsa.ps/ ), « l’association cherche à travers sa vision et sa méthodologie, à valoriser le statut et le rôle des femmes. Au sein d’Initiatives locales et régionales visant à nourrir et développer les initiatives publiques des femmes dans la société palestinienne, et à renforcer leurs rôles dans la vie publique et politique. » (cf raport d’activité PDWSA)
PDWSA travaille à ouvrir l’émancipation économique et l’autonomisation des femmes palestiniennes vivant dans la bande de Gaza. Par exemple en collaboration avec la Commission indépendante des droits de l’homme elle participe à des initiatives comme le développement d’élections du conseil étudiant dans la bande de Gaza visant « à faire pression sur les décideurs pour qu’ils activent le processus démocratique, en commençant par les universités, qui sont la première étape électorale pour les jeunes vers les instances dirigeantes ». PDWSA œuvre également via de nombreux plaidoyers juridiques à la lutte contre la discrimination à l’embauche faite aux femmes sur le territoire de Gaza soumis aux réglementation drastique de la Charia. Pour ce faire mène de nombreuse pression au cœur des instances judiciaires afin que le droit ne soit pas écrasé par le contexte religieux gouvernemental. Cf leur travail de plaidoirie du 03 Octobre 2023 : « Les organisations de défense des droits de l’homme et féministes expriment leur rejet de la décision rendue par l’Association des avocats de la charia lors de sa 34ème session » http://pdwsa.ps/index.php/news/View?id=426
Le Ministère de l’intérieur ne retiendra pas son activisme qu’elle désigne elle-même de gauche et féministe, mais son appartenance au bureau politique du Front populaire de libération de la Palestine (FPLP) à Gaza. Une organisation politique déclarée terroriste par l’union européenne pour le recours à la violence lors d’attentats perpétré en son nom. Le FPLP lutte depuis 1967 pour l’indépendance de la Palestine, d’obédience marxiste elle privilégie une vision territoriale et politique du conflit en évitant le prisme idéologique d’une lutte religieuse. Dans la mouvance et l’influence de George Habache le FPLP préconise de « créer une Palestine démocratique et populaire, où les Arabes et les Juifs vivraient sans discrimination, un État sans classes ni oppression nationale, un État qui permette aux Arabes et aux Juifs de développer leur culture ». Il semble bien complexe de désigner les divers courants et aspirations politiques de chaque membre de ce mouvement dont certains privilégient la voie diplomatique et d’autres la voie armée. Mais si la Mariam Abu Daqqa a été invité en France c’est pour représenter et soutenir les voies diplomatiques en cours sur le territoire de Gaza et porter la parole des femmes. Sous l’initiative du collectif Palestine en Résistances et l’Union Juive Française pour la paix de Marseille Mariam arrive en France au mois de Septembre, afin de participer à un cycle de 15 conférences, notamment sur les conditions de vie des Palestiniennes et palestiniens dans la bande de Gaza. Arrivée en septembre sur le territoire français et maintenir la demande de libération du militant du FPLP Georges Ibrahim Abdallah, plus vieux prisonnier politique de France. Dans une interview accordée à Minerva elle déclare « L’objectif principal est l’application du droit international en Palestine et l’arrêt de la colonisation… ». Elle ne manque pas de s’étonner du traitement politique en France, « Normalement la loi protège le droit d’expression et de manifestation,la diversité des opinions est normale et enrichit la société…normalement quand le peuple élit ses représentants c’est pour exprimer ses propres idées, même si cela va à l’encontre des opinions du gouvernement…en particulier ce qui se passe en Palestine, aucune conscience ne peut le tolérer. Ce qui se passe à Gaza est une guerre qui broie tout sur son passage : les maisons, les hôpitaux, les universités, les églises, les mosquées, jusqu’aux abris de l’UNWRA, même les journalistes et les médecins sont des cibles. Les mères palestiniennes ont depuis longtemps peur d’enfanter car elles savent que leurs enfants risquent de mourir. Tout ceci n’a rien avoir avec le droit, c’est un crime contre l’humanité. Et tout cela se passe sous les yeux du monde entier. »
En attendant, l’ambassade palestinienne en Égypte a accueilli Mariam avec un soutien médical et psychologique lors de son arrivée au Caire.


Entretien avec Pierre Stambul

Pierre Stambul. Vous êtes juif français, professeur de mathématiques à Marseille et porte-parole de l’Union Juive Française pour la Paix, une organisation pacifiste et antisioniste. Comment vous définissez-vous par ailleurs ?
Je suis fils de résistants. Ma famille maternelle a été exterminée et mon père a été déporté à Buchenwald, en Allemagne. C’est au nom de notre identité juive que nous combattons les crimes du sionisme et que nous sommes solidaires du peuple palestinien. C’est pourquoi mon association, l’Union juive française pour la paix (UJFP), soutient la société civile à Gaza.
Et que s’est-il passé lundi 16 octobre ?
Le collectif Palestine en Résistances à Marseille et l’Union Juive Française pour la paix, dont je suis porte-parole, ont invité la militante palestinienne Mariam Abu Daqqa en France. Elle a obtenu un visa Schengen auprès du Consulat de France à Jérusalem pour une série de conférences, d’abord à Paris le 2 octobre, puis à Martigues et à Marseille, où elle a rencontré des hommes politiques et des syndicalistes. Pendant ce temps, Mariam Abu Daqqa est restée chez moi, dans ma maison. Cependant, le lundi 16 octobre à 6h30, alors que je l’accompagnais à la gare pour sa prochaine étape à Toulouse, la police nous a interpellés. Le ministre de l’Intérieur, M. Darmanin, a pris un arrêté d’expulsion tout à fait incroyable, mêlant l’attentat d’Arras, le terrorisme, le FPLP et la sécurité des juifs.
Vous avez donc été arrêtés tous les deux ?
Non, je n’ai subi qu’une fouille et j’ai été relâchée au bout de vingt minutes. Pour Mariam Abu Daqqa, en revanche, un arrêté d’expulsion a été pris. En pratique, elle est libre pendant la journée mais ne peut pas donner de conférences, tandis que la nuit, elle est assignée à résidence dans un hôtel pour réfugiés. Bien entendu, nous avons déposé deux recours juridiques : contre l’arrêté d’expulsion et contre l’assignation à résidence.
Mais est-il vrai que lorsque vous êtes arrivé au poste de police, les agents ne savaient rien ?
C’est exact. Nous avons été interpellés par la police nationale qui nous a ensuite transférés à la police des douanes, mais seule la police des frontières et de l’aéroport était au courant. En d’autres termes, la police de Marseille suivait les ordres de Paris.
Paris a donc donné à Mariam Abu Daqqa un ordre d’expulsion, elle sera donc renvoyée en Palestine. Compte tenu du conflit, la destination de Gaza ou de la Cisjordanie a-t-elle été mentionnée ?
Un habitant de Gaza ne peut pas aller en Cisjordanie. Le sionisme a fragmenté la Palestine. Mariam Abu Daqqa risque d’être renvoyée à Gaza, mais personne ne sait quand ni comment.
Qui est Mariam Abu Daqqa ?
Mariam Abu Daqqa est une militante et féministe palestinienne, présidente de la Palestinian Development Women Studies Associations et dirigeante du Front populaire de libération de la Palestine. Elle a purgé une peine de 15 ans de prison et a beaucoup voyagé. Mais c’est la première fois qu’elle vient en France. Mariam est arrivée en France avec une image positive. Elle se réjouit de la solidarité des gens avec la Palestine, et en même temps elle est étonnée et révoltée par la complicité du gouvernement avec l’apartheid israélien. Dans sa famille, il y a eu plus d’une vingtaine de morts, dont neuf enfants en bas âge. Sa maison a été pulvérisée.
Où avez-vous rencontré Mariam Abu Daqqa en Palestine ?
J’ai rencontré Mariam en 2016. Je l’ai rencontrée chez elle, à Abasan, dans la bande de Gaza. Ses premiers mots ont été : "Je me bats contre l’occupation de mon peuple et le patriarcat de ma société". Elle et moi avons été interviewées dans le film "Yallah Gaza" réalisé par Roland Nurier, un magnifique long métrage qui vient de sortir en France. Mais nous n’avons donné que deux conférences ensemble, à Martigues et à Marseille.
En tant qu’Union juive française pour la paix, quelles sont vos activités ?
Nous avons commencé en 1994 et notre devise était : "Pas de crime en notre nom". Nous avons rapidement découvert l’occupation, la colonisation, les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, l’apartheid, le suprématisme. Nous sommes antisionistes. Nous soutenons le boycott d’Israël, mais nous luttons contre le racisme sous toutes ses formes : le racisme contre les noirs, les arabes, les roms, les musulmans et, bien sûr, contre les juifs.
Entretien de Pierre Stambul par Alessandro Barbieri.
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