Logiciels libres et économie locale, le déni de bon sens

S’il fallait relever tous les appels d’offres de nos collectivités
locales oubliant d’ouvrir la porte aux logiciels libres ou open
source, il n’y aurait pas un mois sans que l’on en découvre un.

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S’il fallait relever tous les appels d’offres de nos collectivités
locales oubliant d’ouvrir la porte aux logiciels libres ou open
source, il n’y aurait pas un mois sans que l’on en découvre un.

Logiciels libres et économie locale, le déni de bon sens
Publié le 4/01/2013
Communauté

La promotion des logiciels libres passe souvent par une approche
technique ou philosophique. L’approche économique présente l’avantage
d’aller au-delà de l’apparente gratuité de ces derniers. L’impact de
l’usage des logiciels libres notamment sur l’économie locale est un
point qu’oublient ou ignorent bien souvent nos élus. Ils se trouvent
de fait assis sur un “gisement” en matière de “redressement
productif”.
Des appels d’offres fermés
S’il fallait relever tous les appels d’offres de nos collectivités
locales oubliant d’ouvrir la porte aux logiciels libres ou open
source, il n’y aurait pas un mois sans que l’on en découvre un. En
l’occurrence, le dernier repéré est celui de la mairie de Villeurbanne
située en périphérie de Lyon.
L’objectif de l’appel d’offre est le suivant :
L’objectif du projet « Connexions ! » consiste à migrer les postes
informatiques du parc de la ville de Villeurbanne vers Microsoft
Windows 7 et MS Office 2010.
La demande est claire. Passons sur l’obligation légale qui n’est ici
pas respectée et qui « interdit de faire mention d’une marque, d’un
brevet ou d’un type, à moins que cela paraisse nécessaire pour
l’intelligibilité du marché. Dans ce cas précis, une telle citation
doit être accompagnée d’une mention « ou équivalent ». Mention absente
dans le présent appel d’offre.
Il serait bien sûr envisageable de lancer une action juridique, mais
le plaignant se devrait de répondre à l’appel d’offres pour ne pas
être condamné pour absence “d’intérêt à agir“. Bref : difficile dans
les faits sauf peut-être pour une association de défense des logiciels
libres… Mais je ne suis pas juriste.
Il n’y a pas qu’en France que ce genre de comportement des pouvoirs
publiques énerve. En Egypte aussi, on aimerait voir l’argent publique
mieux utilisé.
Où est le bon sens ?
C’est souvent la question que l’on peut se poser. On peut en trouver
une réponse argumentée dans la présentation de Pascal Flamand faite
lors du Printemps du Libre 2011. Il part du chiffre d’affaires
représenté par le marché de l’édition logicielle qui se monte en
France à 10 milliards d’Euros. Un marché détenu à 80% par des éditeurs
non européens.
Il se penche ensuite sur le bilan d’un éditeur américain bien connu où
l’on peut relever deux points pour le moins contradictoires : un
chiffre d’affaires de 493 millions d’euros alors que le montant total
de licences (système d’exploitation et application) se monte à 1,7 à
2,5 milliards en France. La filiale française ne fait que toucher des
commissions ce qui permet une “évasion fiscale” significative.
Ce n’est probablement pas pour rien que les services fiscaux français
s’intéressent de près aux comptes de cette même société dont les
locaux français ont fait l’objet récemment d’une perquisition. Mais ce
genre de comportement ne choque pas nos dirigeants et élus qui
trouvent normal de continuer à favoriser ce genre d’entreprises.
100€ dans le logiciel libre égale 100€ dans l’économie locale
Voilà un postulat intéressant et lié au fait que dans le monde du
logiciel libre, c’est du service que l’on vend. J’introduirais tout de
même un bémol, car certaines prestations comme le développement
peuvent être réalisées hors de France. Une pratique de l’offshore que
certains éditeurs de logiciel libre ou open source français ont mis en
oeuvre pour réduire leurs coûts.
Quand bien même ce ration ne serait que de 100€ investi, 80€ dans
l’économie locale, le potentiel en terme de création d’emplois est
énorme. Quelques chiffres toujours tirés de la présentation de Pascal
Flamand.
Le marché des licences propriétaires en France est de l’ordre de 10
milliards d’Euros dont 8 proviennent hors d’Europe. Imaginons que le
logiciel libre puisse prétendre à 50% de ces 8 milliards, cela
représente un marché potentiel de 4 milliards pour le logiciel libre.
A 60K€ chargé par an l’ingénieur, cela représente 60000 équivalent
temps plein par an en France.
Selon les études du cabinet Pierre Audoin Consultants, le chiffre
d’affaires actuel du logiciel libre est de 2,5 milliards d’euros en
France, soit environ 30 000 emplois locaux. On voit que la mage de
progression est énorme en utilisant simplement l’argent existant.
Bien sûr, les logiciels libres et open source doivent faire leur
preuve et convaincre encore plus les entreprises. Mais pour cela, il
faudrait que l’état français et ses élus montrent au moins la voie et
favorisent leur développement. Comme on le voit, on en est encore loin
et il ne faudra probablement pas compter sur eux pour cela.
Encore une raison de chercher d’autres façons de créer des sources de
revenus exploitant les moyens existants. Le mécénat et les
associations, fonds de dotation, voire fondation, en sont une piste.
La France dispose d’une législation très favorable en la matière. Mais
cette source de revenus ne représente que 5% du financement du secteur
associatif. Là encore un gisement inexploité pour faire Autrement.
Philippe SCOFFONI

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