La Maison Rose ne sera pas une maison de quartier !

Il n’y aura pas de maison de quartier à la Maison Rose. Le bâtiment a été vendu à des privés. On relaie le communiqué du collectif Maison Rose (mai 2023).

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Il n’y aura pas de maison de quartier à la Maison Rose. Le bâtiment a été vendu à des privés. On relaie le communiqué du collectif Maison Rose (mai 2023).

La Maison Rose ne sera pas une maison de quartier !
La nouvelle est tombée début février, la Mairie de Marseille n’a pas usé de son droit de préemption pour acquérir la Maison Rose : elle a été vendue par ses propriétaires sur le marché immobilier privé.
Ce lieu est remarquable par son emplacement et par sa constitution. La Maison Rose est située à l’angle de la rue d’Orange et du boulevard Boyer, entre la place Cadenat et la place Caffo. C’est un bâtiment de 200m2 sur deux étages et 50m2 de jardin. C’était un repère pour ses occupant·es et les habitant·es du quartier.
Depuis trente-cinq ans, l’Hôpital Edouard Toulouse louait la Maison Rose à des propriétaires privés afin d’y accueillir les patient·es du CATTP, Centre d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel. Le CATTP est une unité de soin psychique qui accueillait des personnes en voie d’autonomisation dans leur parcours de vie : elles avaient un logement à elles et venaient faire des activités artistiques et thérapeutiques, de soin.
Un CATTP à la Maison Rose, c’était fort symboliquement : c’est une approche du soin où on n’isole pas les personnes en prise avec la psychiatrie, où on dit que c’est possible de vivre dans le quartier, avec les habitant·es, les voisin·es ; on y vient à pied, en transports en commun, on parle avec les gens, on est reconnu·e comme occupant·e de la maison, on participe à la vie du quartier.
A l’automne 2022, les propriétaires décident de mettre en vente la Maison Rose et l’hôpital ne souhaite pas acheter. En effet, l’Hôpital Edouard Toulouse projette de fusionner le CATTP avec le CMP de la Belle de Mai, Centre Médico- Psychologique situé rue de Crimée : un local de 60m2 à se partager pour le même nombre de patient·es et de soignant·es, soit un espace extrêmement réduit. Le projet force aussi la cohabitation dans un même lieu de patient·es aux besoins et aux équilibres différents, créant une rupture dans les parcours de soins.
Au-delà de son contenu, c’est aussi la manière de prendre cette décision de fusion qui marque les esprits : les professionnel·les du soin et les patient·es ne sont pas consulté·es et pas écouté·es quand ielles émettent des réserves ou des craintes.
Apprenant que ce lieu de soin était menacé, une mobilisation émerge dès la fin de l’année 2022 pour interpeller les pouvoirs publics et signaler l’importance que représentait cette maison pour le quartier. La rencontre de personnes aux positions et statuts différents permet de construire une lutte et de défendre des intérêts communs : patient·es et usager·es, ami·es et proches aidant·es, soignant·es et autres professionnel·les du médico-social, acteur·ices associatif·ves, habitant·es du quartier et voisin·es.

Le Collectif de Défense de la Maison Rose, qui s’est créé de fait, a multiplié les courriers et rendez-vous avec la mairie centrale et la mairie des 2ème et 3ème arrondissements, tout en cherchant à alerter massivement les habitant·es et la presse locale.
Dès le départ, on essaie de travailler ensemble à deux tâches à la fois. Premièrement, pour suivre le calendrier qui nous est imposé, l’urgence est de stopper la vente immobilière et le seul moyen est qu’une instance publique use de son droit de préemption, c’est-à-dire qu’elle se place prioritaire pour le rachat de la Maison Rose. Deuxièmement, on entame un travail de fond, de réflexion et d’élaboration d’un projet pour la Maison rose, pour ouvrir des perspectives une fois celle-ci sauvée de la vente : la création d’un centre de santé communautaire, un lieu de vie géré par et pour les habitant·es du quartier, mais aussi un endroit de soin psychique en priorité, au vu des besoins du quartier et de l’historique du lieu.
L’idée n’est pas de pallier les manques de l’hôpital public ni de le remplacer, mais bien de créer une dynamique collective sur le territoire où les personnes concernées se saisissent elles-mêmes des problèmes, mettent à contribution leurs savoirs et leurs expertises variées pour y apporter leurs propres solutions.
Considérant le manque d’offres de soins à la Belle de Mai ainsi que le peu d’infrastructures publiques, le champ des possibles était large.
Les besoins en soin psychique sont très importants et très peu couverts. Les troubles psychologiques rencontrés sont majoritairement liés aux situations de grande précarité et leur lot de conséquences : violence conjugale et violence intra- familiale dans un contexte d’habitat insalubre, de chômage ou de grande difficultés financières ; absence de possibilité de prise en charge psychologique des enfants avec des situations familiales difficiles, constat général de nombreuses situations d’enfance en danger ; faible prise en charge de personnes sans droit ouvert à l’assurance maladie ; besoins de médiation et interprétariat non couverts. Les psychotraumatismes sont aussi le fait des violences dans le quartier. Les meurtres en pleine rue de personnes affiliées aux réseaux de trafiquant·es de drogues impactent les familles ainsi que les témoins.
Par ailleurs, plusieurs associations attendent depuis des mois de nouveaux espaces pour réaliser des activités indispensables aux habitant·es et nombreuses sont en attente de locaux promis par la mairie de secteur.

C’est donc dans ce contexte, des besoins du quartier et de la vente immobilière en cours, que le Collectif de Défense de la Maison Rose réclame le soutien de la puissance publique, essentiel pour que la Maison Rose reste un lieu public. En effet, dans un contexte de gentrification du centre-ville où le prix de

l’immobilier est partout à la hausse, il n’y a que l’action de la mairie qui puisse aller à l’encontre des fluctuations et spéculations des intérêts particuliers imposées par le marché.
La mairie justifie aujourd’hui de ne pas avoir exercé son droit de préemption en arguant que nous n’avions pas de projet. Pourtant, c’était bien l’opportunité pour une mairie de gauche, le Printemps Marseillais, qui dit vouloir renouveler la politique locale, de soutenir et d’accompagner une initiative citoyenne, pour soutenir l’animation de la vie sociale et associative du territoire, pour améliorer la qualité de vie des habitant·es du quartier, sans chercher à en repousser les plus fragiles dans des quartiers plus lointains.
On attendait de nos élu·es qu’ielles utilisent les moyens à disposition pour contrer la violence du marché immobilier qui, vente après vente, précarise, expulse, privatise, fait reculer le service public.
Ces élu·es ont décidé de ne pas le faire.
La mairie de secteur avait fait la demande d’usage du droit de préemption à la Métropole Aix-Marseille pour ce bâtiment. La métropole avait répondu favorablement à cette demande. La mairie a stoppé temporairement la vente, elle a visité la Maison Rose et évalué le coût des travaux ; elle avait donc bien envisagé la possibilité d’une préemption. Elle n’est finalement pas allée jusqu’au bout, malgré les promesses et engagements du maire. Ce dernier nous avait pourtant assuré qu’au vu de la mobilisation, il se chargerait de réunir autour de la table vendeurs, acheteurs, le Collectif de Défense de la Maison Rose et la mairie des 2 & 3èmes arrondissements, afin de réfléchir ensemble au moyen de garder un usage public et collectif du lieu. Peut-être était-ce pour calmer la mobilisation grandissante et pour gagner du temps, mais il n’a en tous cas pas tenu ses engagements.
Les calendriers et stratégies des politiques nous échappent, leurs projets et leurs objectifs se déconnectent des habitant·es et même s’ils sont pour elleux, ils se font toujours sans elleux.
La participation politique à la vie locale ne se cantonne pas à mettre un bulletin dans une urne tous les cinq ans puis à laisser les dirigeant·es nous diriger.
Nous souhaitons continuer de porter un projet par et pour les habitant·es de la Belle de Mai, un projet ailleurs que dans la Maison Rose, étant donné que c’est désormais impossible, mais qui recouvre les mêmes enjeux que ceux portés par cette lutte : imaginer et faire vivre un lieu de soin psychique qui soit géré par les habitant·es, les usager·es, les soignant·es.
Pour nous contacter : collectif.maison.rose@protonmail.com