Émeutes au Burkina-Faso

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Dimanche 27 février 2011 7 27 /02 /Fév /2011 17:50
Émeutes au Burkina-Faso
Burkina Faso : Koudougou à feu et à sang
Cinq tués dans de violentes manifestations après la mort suspecte d’un élève

Koudougou, la troisième ville du Burkina Faso, à 100 km à l’ouest de
Ouagadougou, brûle depuis mardi. Des milliers de jeunes ont affronté jeudi la
police. Bilan : cinq manifestants tués, de nombreux blessés graves, les locaux
du gouvernorat et une douzaine de véhicules incendiés. À l’origine de cet accès
de fièvre subit, la mort dans des conditions troubles, de l’élève Justin Zongo.

Situation quasi-insurrectionn elle à Koudougou et ses environs. Jeudi, deux
élèves et un policier ont été tués à Poa et à Kindi, alors qu’au même
moment les
manifestants séquestraient les policiers de Réo, à une dizaine de kilomètres de
Koudougou, d’où est parti, mardi, un vaste mouvement de contestation populaire
suite à la mort « suspecte », dimanche, de l’élève Justin Zongo.
Mercredi déjà, de
violentes manifestations avaient opposé les forces de l’ordre à des milliers
d’élèves et d’étudiants à Koudougou. Deux manifestants avaient été
tués au cours
des échauffourées qui ont fait de nombreux blessés de part et d’autre. Selon
certains manifestants et des agents de santé, cités par le quotidien
L’Observateur Paalga, la police aurait fait usage de balles réelles. Dans leur
colère, les manifestants ont incendié une douzaine de véhicules
appartenant à la
police, à la gendarmerie et au gouvernorat de la région du
Centre-Ouest dont ils
ont réduit les bureaux en cendres.

Des versions contradictoires

À l’origine de cet accès de fièvre subit, la mort de Justin Zongo, décédé dans
des conditions troubles. La famille du défunt, soutenue fortement par la rue,
affirme que Justin Zongo a rendu l’âme suite aux sévices corporels que lui
aurait fait subir la police. L’infortuné y avait été convoqué fin
décembre début
janvier, après la plainte déposée contre lui par Aminata Zongo, une de ses
camarades de classe, avec qui il avait eu une altercation. La thèse de
la bavure
policière est formellement rejetée par les autorités locales qui
évoquent plutôt
la méningite, comme cause de la mort de Justin Zongo.

Dans un communiqué radiodiffusé mercredi, à l’issue de l’hebdomadaire
Conseil de
ministres, le gouvernement burkinabè a réaffirmé la thèse de la méningite et
« condamné fermement ces actes de vandalisme ». Il a invité les
étudiants au calme
et à la retenue tout en promettant que « des enquêtes seront diligentées avec la
contribution de toutes les parties afin de situer les responsabilité s pour une
suite judiciaire ». Ces appels au calme n’ont pas été entendus à Koudougou plus
qu’ailleurs. L’embrasement a gagné d’autres villes dont notamment
Ouagadougou et
Ouahigouya, où des élèves ont investi les rues, obligeant le gouvernement à
fermer les écoles jusqu’à lundi.

Leur presse (P. Boureima Salouka,
> Afrik.com), 25 février 2011.

Manifestations à Koudougou
La contagion gagne Ouagadougou, Ouahigouya, Poa…

À la suite du décès d’un élève, imputé par ses camarades et sa famille à la
police, Koudougou a connu mardi et mercredi 48 heures de manifestations qui se
sont soldées par des morts et plusieurs blessés. Hier la tension était retombée
dans le chef-lieu de la région du Centre-Ouest (dont le gouvernorat a été
incendié) tandis que la contagion semblait gagner d’autres localités
du Burkina,
dont Ouagadougou, Ouahigouya ou encore Poa, où un élève a été tué.

Deux élèves et un policier morts à Poa et à Kindi

Koudougou s’est réveillée hier jeudi dans une sorte de torpeur,
provoquée, entre
autres, par le décès de deux manifestants. Comme nous le disions dans notre
édition d’hier, le bilan est très lourd. Si un calme précaire règne à
Koudougou,
la contestation a gagné les autres localités de la province, où des
manifestations sont organisées par les scolaires. Des scolaires, touchés par
balles réelles tirées par des policiers, sont morts à Poa et à Kindi.

On ne sait vraiment pas ce que les jours à venir nous réserveront, tant la
tension est palpable. Les rencontres succèdent aux rencontres à la recherche de
la formule magique pour éteindre l’incendie de la contestation scolaire. Les
étudiants sont également dans une dynamique de concertation pour faire le point
des dégâts dans leurs rangs. Ces dégâts, on s’en doute, sont essentiellement
humains. Au niveau du CHR de Koudougou, on a enregistré 30 blessés pour la
journée du mardi 22 février et 64 autres pour la journée du mercredi ; soit 94
en deux jours de fronde. Ces blessés sont majoritairement des élèves et des
étudiants. Trois étaient dans un état critique et ont été évacués à
Ouagadougou.

Comme on le sait déjà, deux manifestants ont trouvé la mort : il s’agit d’Assad
Ouédraogo, né le 5 août 1993, élève en classe de 3e au lycée municipal, et d’un
autre toujours gardé à la morgue et dont on ignore l’identité. Par ailleurs,
parmi les évacués à Ouaga, un étudiant de 1re année d’économie à
l’Université de
Koudougou aurait succombé. On a appris que deux agents, blessés grièvement, ont
été évacués à Ouagadougou. Calme à Koudougou certes, mais les autres localités
de la province du Boulkiemdé ont pris le relais. Dans presque toutes les
localités, les scolaires sont descendus dans les rues et se sont heurtés aux
agents de sécurité.

Là aussi, le bilan est macabre : à Kindi (50 km de Koudougou), un élève du nom
de Michel Bouda, 16 ans, de la classe de 4e, a succombé, touché par des balles
en plein cœur. Un autre, Bougouma Kuilga, de la classe de 5e, a été blessé à la
main et soigné sur place au CSPS de Kindi. En réplique, les élèves ont fait le
tour de la ville, saccageant des maisons et brûlant les biens mobiliers et
immobiliers des policiers.

Autre point chaud, Poa (25 km de Koudougou) : Là-bas, un écolier du CE2 qui
traversait la route pour faire une commission a été touché par des balles et en
est mort. Un commerçant de Poa a reçu trois balles au niveau des membres
supérieurs et à la poitrine. Le policier qui a tiré a été pourchassé et lynché
alors qu’il avait trouvé refuge dans la maison d’un agent de santé. À
Réo (15 km
de Koudougou), des manifestants ont incendié le commissariat de police et le
haut- commissariat.

À Nandiala (25 km de Koudougou) et à Kokologho (55 km de Koudougou), des
manifestations ont été organisées avec fort heureusement des bilans moins
dramatiques. Espérons que les différentes médiations entreprises par les
autorités de la place, les sages de Koudougou et les leaders d’opinion
permettront d’éteindre cette crise qui commence à se généraliser et à prendre
des proportions inquiétantes. Quand nous tracions ces lignes, la
tension n’était
pas totalement retombée dans ces localités, surtout à Kindi, où les
manifestants
étaient toujours dans la rue et se livraient à la destruction de certains biens
publics et privés.

Cyrille Zoma

… à Ouagadougou
L’onde de choc

Les élèves de la capitale se sont joints au mouvement de protestation de
Koudougou consécutif au décès de Justin Zongo. Hier, jeudi 24 février 2011,
plusieurs dizaines de lycéens sont allés réclamer « Justice, vérité et
égalité » à
leur ministère de tutelle puis au palais de justice.

« Justice », « lumière », « vérité ». Ce sont les mots qu’ont écrits à la
craie sur le
pavé de la cour et une partie de la terrasse du bâtiment abritant le ministère
des Enseignements secondaire et supérieur et celui de l’Éducation nationale et
de l’Alphabétisation les élèves qui ont envahi l’enceinte de leur ministère de
tutelle hier, jeudi 24 février 2011, aux environs de 10 heures.

Auparavant, ils sont passés à la télévision nationale pour tenter de faire
passer leur message. Ils sont même parvenus aux portes de l’immeuble
abritant le
ministère mais n’ont pas pu y pénétrer. Selon le directeur de la Communication
et de la Presse ministérielle (DCPM) du ministère des Enseignements secondaire
et supérieur, Aboubacar Sy, que nous avons joint au téléphone, les lycéens ont
exigé de voir les ministres.

Ces derniers étant en réunion en ville, il aurait proposé aux manifestants de
rencontrer leurs représentants en vue de recueillir leurs
revendications afin de
les transmettre à qui de droit. La désignation de ces représentants aurait été
finalement réfutée par la foule réclamait haut et fort : « Vérité et justice ».
Les lycéens ont ensuite quitté le ministère pour prendre la direction du palais
de justice.

Lorsque nous les avons rejoints sur l’avenue Kwame-N’Krumah à la devanture du
palais, nous avons été littéralement assailli, chacun voulant placer un mot ou
sa phrase choc. « Il faut l’écrire dans votre journal : si justice n’est pas
rendue, nous allons nous rendre justice nous-mêmes », crie l’un d’entre eux. « Si
la justice ne fait pas bien son travail, nous allons passer d’un État
de droit à
un État d’exception », renchérit un autre. Aux autorités administratives de la
région du Centre-Ouest, les élèves entendent donner une leçon de biologie : « On
n’a jamais vu la méningite en février. S’ils n’ont pas fait la 3e, qu’ils
viennent nous voir nous leur expliquerons comment se manifeste la méningite. »

À vue d’œil, les manifestants venaient de différents établissements de la
capitale, car rien qu’à regarder les uniformes, on pouvait distinguer, entre
autres, des élèves du lycée technique de Ouagadougou (LTO), du lycée
Philippe-Zinda- Kaboré (LPZK), et du lycée Bogodogo. « La lutte continue tant que
justice n’est pas faite ! », criaient-ils en quittant les lieux. Ambiance.

Hyacinthe Sanou

… à Ouahigouya
Des élèves dans la rue

Les élèves des différents établissements secondaires de la ville de Ouahigouya
ont déserté les classes la matinée du jeudi 24 février 2011 pour demander des
éclaircissements sur les circonstances du décès de leur camarade Justin Zongo à
Koudougou et celui des deux étudiants de la même ville. Ils exigent
également la
libération des élèves incarcérés par suite des différentes manifestations à
Koudougou.

Rassemblés à la place de la nation, les frondeurs ont multiplié les va-et-vient
entre la résidence du gouverneur de la région du Nord, le siège du conseil
régional, la direction régionale de la police nationale, le
commissariat central
et la mairie de Ouahigouya. Multipliant les slogans liberté et
justice, les jets
de pierres, brûlant par–ci par-là des pneus sur certaines chaussées, les élèves
ont fait le « chaud » une heure durant sans être inquiétés par les forces de
sécurité.

Après avoir cassé les vitres de la guérite du conseil régional,
certains se sont
introduits dans l’enceinte de la direction régionale de la police du Nord, où
ils ont essayé de défoncer les fenêtres du bâtiment principal, pendant que
d’autres cassaient les ampoules et brûlaient des pneus devant et à l’intérieur.
Un chauffeur de l’Administration conduisant un véhicule fond rouge, qui a voulu
se frayer un passage dans la foule, a vu briser les vitres de son véhicule.
Acculée, la police a dispersé les manifestants à coups de gaz lacrymogène.

Après cette sortie, la police s’est repliée, les laissant faire le pied de grue
à la résidence du gouverneur puis devant le commissariat central. Ils sont
revenus aux environs de 11 heures contraindre les commerçants en face de la
place de la Nation à fermer boutique avant de se disperser. Il faut
signaler que
cette manifestation des élèves a fortement perturbé la cérémonie d’ouverture de
l’atelier de validation du rapport provisoire du plan stratégique décennal de
modernisation de l’État et de son premier plan d’action.

La cérémonie d’ouverture, qui était prévue pour 8h30 à la salle de conférences
du conseil régional du Nord, n’a pu se tenir. Les autorités ont préféré éviter
la confrontation en ne se présentant pas à la cérémonie. C’est finalement aux
environs de 13 heures que le ministre Soungalo Ouattara est arrivé sur
les lieux
de la rencontre. Aux dernières nouvelles, les autorités locales auraient
rencontré les responsables des élèves afin de calmer les esprits.

Emery Albert Ouédraogo
Leur presse (L’Observateur Paalga), 24 février.