Contre la traque aux pauvres

Récit de la manif du 15 décembre contre la traque aux pauvres à Marseille
et ailleurs

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Récit de la manif du 15 décembre contre la traque aux pauvres à Marseille
et ailleurs

Les manifestants arrivent petit à petit au RDV donné à 16 heure sur la
Porte d’Aix. C’est l’occasion d’occuper la pelouse interdite depuis l’été
dernier (suite à son occupation par les haragas puis par les Roms), de
boire un thé ensemble, de poser une table de presse et de distribuer des
tracts aux alentours : le texte d’appel à la manif ’ (en français et en
arabe), un texte écrit pour la manif’, « et BIM ! » (en français et en
arabe aussi).
- 
À Marseille (et pas que...), ça fait un moment qu’on s’en prend plein la
gueule : occupation policière et militaire massive, expropriations et
expulsions en pagaille, restructurations en tout genre, Marseille 2013 et
autres joyeusetés. Au lieu de riposter contre un ennemi commun, on
s’enfonce dans une guerre des pauvres contre les pauvres : organisation de
groupes « d’auto-défense » de citoyens contre les Roms, les voleurs, les
mendiants etc., expulsions de camps de Roms par leurs voisins armés...

- Cette manif’ contre la traque aux pauvres était une réponse à ce contexte.
Vers 17 heure nous sommes environ un peu plus que 200. Nous nous mettons
en route en direction du Centre de rétention du Canet, avec une banderole
de tête sur laquelle est écrit : « contre la misère et l’exploitation, on
s’en fout du droit, on n’aura que ce qu’on prendra ». Deux autres
banderoles, sur lesquelles on peut lire : « sans-papiers ni frontières » et
« on veut pas de vos miettes, étouffez vous avec », encadrent la manif’.
Aux cris de « contre la misère et l’exploitation, à bas l’Etat, les flics
et les patrons », « ni flics, ni fric, ni expulsions », nous empruntons la
rue d’Aix en bloquant la circulation. Les premiers fumigènes sont allumés
et les premiers pétards éclatent. À noter qu’aucun parti ou orga n’ont de
place.

- Tout au long du parcours, les tracts sont largement distribués et partout
nous rencontrons un accueil chaleureux et enthousiaste ! Véridique, on
avait jamais vu ça à Marseille. Même les automobilistes et les bus
klaxonnaient pour nous soutenir (alors que d’habitude, quand ils
klaxonnent, c’est avant de nous foncer dessus). Les critiques abordées
dans les tracts et à travers les slogans et les banderoles ( précarité,
frontières, exploitation...), font écho au vécu de chacun. Des personnes
rejoignent la manif. Spéciale dédicace aux ado-e-s qui ont pris le micro
boulevard national.

- Nous arrivons devant le centre, l’accès est bloqué par les gendarmes
mobiles. Nous restons là un moment à faire le plus de bruit possible et à
jeter des pétards. Nous décidons de partir.

- On remonte plombière et nous nous arrêtons un moment devant la gendarmerie squattée par des Roms. Ensuite, nous nous dispersons tranquillement.
Certains d’entre nous rentrent en bus gratuit. Le chauffeur a vue passer
la manif, il les accueille à bras ouverts.
On est content, c’était une chouette manif, vivement la prochaine.

ET BIM !

texte distribué lors de la manif

ET BIM !!! Parce que y’en a marre
Y a une chose que beaucoup connaissent, c’est là misère !
Y en a marre d’avoir froid dans des appartements pourris qui coûtent un bras, ou bien d’être à la rue.
D’être malade et ne pas pouvoir se soigner. Le 15 du mois, on se demande comment on va remplir le frigo ; on doit renvoyer 15 fois les mêmes dossiers, les mêmes papiers. On doit faire la queue quinze nuits devant la pref et se faire fermer la porte au nez. On se fait virer au bout de trois semaines de dégoût.
Y’en a marre qu’on dise que c’est de notre faute si les gamins finissent en taule, soi-disant parce qu’on les laisse trainer dans la rue.
Y’en a marre qu’on dise que chacun peut réussir et qu’on peut s’en prendre qu’à nous-même si on est dans la merde.
Y’en a marre de préférer qu’on en expulse un autre que nous. On nous fait croire que c’est la faute du voisin qui galère aussi, le voisin sur lequel on peut taper.
Y’en a marre de baisser les yeux au travail, ou de passer quinze frontières pour gagner sa croûte.
Parce qu’être pauvre c’est avoir peur de demain et qu’avoir peur ça oblige à accepter ses chagrins.
Le quotidien est une lutte, et seul, je perds.
Cette misère est omniprésente parce qu’elle sert des intérêts, les intérêts de ceux qui ont décidé de la crise, de ceux à qui elle profite, de ceux qui se font élire pour la « gérer », toujours de la même manière.
On est abîmés. Tout ça c’est pour ça. Pour entretenir le paysage. Des riches plus riches et des pauvres plus pauvres. Faut qu’on se compte là ! On est combien, au juste ? Nombreux, de plus en plus nombreux !
Les ennemis : Frontières, commissariats, prisons, centres de rétention, tribunaux, CAF, pôle emploi, ça sert à nous gérer, à nous contrôler.
Jardins publics gris, magasins, avenues, parkings, panneaux publicitaires, aéroports, caméras, grilles, barrages, musées, Art, Culture, urbanisme, réhabilitation. C’est moche, ça use et ça tue. Et on voudrait en plus nous expulser de ça.
Alors faire du bruit dans ces rues prend tout son sens. C’est pourquoi nous marchons vers le centre de rétention, parce que si parfois le monde semble être aussi gris que les murs d’une prison, des gens s’y révoltent à l’intérieur comme là l’extérieur, être ensemble apporte de la chaleur, s’organiser renforce, les murs tombent, et BIM.


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