Amérique Latine : un monde sans multinationales

Le 17 avril, il y a 14 ans alors que Vía Campesina se réunissait au Mexique à quelques milliers de kilomètres de là, au Brésil, avait lieu le massacre de membres du Mouvement des Sans Terre par la police militaire brésilienne.

Depuis, pour le mouvement paysan sud américain, le 17 avril est une date spéciale. Cette année encore la réunion de Vía Campesina a été entachée d’une autre agression contre des paysans sans défense : les paysans de l’Aguán au Honduras assaillis par la police, les militaires et les nervis des latifundistes.

Pour le mouvement Vía Campesina les vrais commanditaires de ces massacres ne sont pas les politiques ou les militaires, mais bien les multinationales qui ont tellement soif de profits qu’elles n’hésitent aucunement à écraser dans le sang toute velléité d’échapper à leur contrôle.

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Le 17 avril, il y a 14 ans alors que Vía Campesina se réunissait au Mexique à quelques milliers de kilomètres de là, au Brésil, avait lieu le massacre de membres du Mouvement des Sans Terre par la police militaire brésilienne.

Depuis, pour le mouvement paysan sud américain, le 17 avril est une date spéciale. Cette année encore la réunion de Vía Campesina a été entachée d’une autre agression contre des paysans sans défense : les paysans de l’Aguán au Honduras assaillis par la police, les militaires et les nervis des latifundistes.

Pour le mouvement Vía Campesina les vrais commanditaires de ces massacres ne sont pas les politiques ou les militaires, mais bien les multinationales qui ont tellement soif de profits qu’elles n’hésitent aucunement à écraser dans le sang toute velléité d’échapper à leur contrôle.

(Photo : prensarural)

Il y a aujourd’hui 14 ans, 250 dirigeants de Vía Campesina, représentant environ 80 organisations de toute la planète, célébraient leur deuxième assemblée, à Tlaxcala (Mexique), quand ils ont reçu des nouvelles du Brésil.

Dans l’état amazonien de Pará, dans l’Eldorado dos Carajás, plus de 1 500 femmes et des hommes du MST (le Mouvement des Sans Terre) avaient pris et bloqué la route principale pour exiger l’adoption de mesures urgentes en faveur de la réforme agraire par le gouvernement fédéral et l’État (dans un pays où 2% des propriétaires sont propriétaire de plus de la moitié des terres fertiles, alors que plus de 100 000 familles dorment sous des tentes noires dans des campements d’occupation des terres). A 16h00 155 membres de la Police Militaire les ont attaqué sans pitié. Ils ont assassiné 19 personnes, 69 ont été blessées, et parmi ces dernières trois sont mortes quelques jours plus tard.

14 ans après, le massacre orchestré par les grands propriétaires de la région avec le consentement de l’État continue. Les coups de feu de Pará ont retenti à la réunion de Tlaxcala et, depuis ce temps-là, chaque 17 avril des milliers de paysans ,et beaucoup d’autres personnes appuyant le milieu rural, organisent des actions et des événements pour rappeler la situation d’oppression et de marginalisation que le système capitaliste leur inflige.

Comme l’explique Vía Campesina dans la convocation de cette année – et l’organisme prend l’exemple du Honduras, où plusieurs personnes du Mouvement Unifié des Paysans de l’Aguán (MUCA) ont été assassinées pour avoir défendu la terre qui leur permet de s’alimenter [1] – la répression sur les organisations paysannes ne cesse pas et même se répètent, à l’identique, il y a beaucoup de 17 avril dans le monde entier. Mais à l’abus des propriétaires terrien s’est ajouté le pouvoir hégémonique des sociétés transnationales sur toute la chaîne alimentaire.

Ils contrôlent les marchés des semences, des phytosanitaires (agrotoxiques), des engrais, de l’eau, de la génétique animale et aussi, comme nouvelle tendance, ils sont entrain – souvent par le truchement de troisièmes pays – de prendre le contrôle de beaucoup de terre productive. Monsanto, Cargill, Carrefour, Archer Daniels Midland, Nestlé, Syngenta entre autres sont les noms que Vía Campesina cite comme les messieurs représentant une agriculture globalisée responsable du passage de millions d’agriculteurs de leurs champs aux banlieues pauvres des villes, de l’amplification de la pauvreté, tandis qu’avec leurs modèles de production intensive ils accentuent le mauvais état de santé de la planète.

Ainsi, Vía Campesina et ses alliées focalisent toutes leurs actions et revendications dans le signalement des immenses dommages qu’occasionnent ces entreprises, cassant d’un geste le mythe qui situe la concurrence entre l’agriculture des pays riches et l’agriculture des pays du Sud. Pour renforcer les énergies impliquées dans l’offensive contre les transnationales et en faveur d’un ‘monde sans Monsanto’, Vía Campesina rappelle plusieurs actions qui démontrent que les choses peuvent changer et signale aux autres qu’ils doivent changer.

Face à l’avance des OGM en tant que technologie de domination de la paysannerie et que perte de biodiversité pour la nature, Vía Campesina souligne comment la pression de la société civile de l’Inde a réussi à arrêter en janvier dernier l’approbation d’une aubergine transgénique copropriété de Monsanto. Ou comment a été faite en 2006 l’occupation du centre de recherche de Syngenta au Brésil pour alerter que cette transnationale semait illégalement quelques hectares de cultures OGM au Paraná a permis fin 2009 d’obtenir que ces terrains soient reconvertis en un centre pour l’enseignement et la recherche de l’agroécologie.

En Europe, à côté des revendications contre le récent décret d’approbation des nouvelles variétés OGM, beaucoup d’activités sont coordonnées pour dévoiler le pouvoir que les grands supermarchés exercent sur notre agriculture. Les données révélées sont très significatives et inquiétantes : actuellement, les grands supermarchés ont absorbé 8 % du marché de détail européen. Au Royaume-Uni, par exemple, une livre sterling sur sept dépensées dans le commerce anglais est déboursée dans une grande surface. Tesco qui, comme ses concurrents, profite de la dérégulation du commerce international pour acheter ses articles sur les marchés mondiaux aux plus bas prix, cachant dans les étiquettes le coût social et environnemental de ses marchandises bon marché.

“Quand un produit arrive sur le marché – explique Susan George – il a perdu toute la mémoire des abus desquels il est la conséquence, tant sur le plan humain que sur celui de la nature”.

Avec cette réalité, sans accès aux ressources naturelles, sans attention politique, les options passent par la mobilisation, et c’est sûrement l’une des caractéristiques distinctive de Vía Campesina depuis sa création en 1993. Comme les membres de l’organisation l’expliquent eux-mêmes, balayés par l’ouragan de la globalisation, ils ont senti la nécessité de récupérer avec leur propre et unique voix leur espace de participation sociale. En défendant que l’alimentation est un droit, non une marchandise pour les transnationales, leurs propositions dessinent un paysage possible, juste et beau.

Gustavo Duch Guillot

Source : Prensa Rural "Un mundo sin transnacionales"
Traduction : Primitivi


[1Voir l’ensemble des article sur l’Aguán et le MUCA

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