Paraguay : Lugo démis ? Encore un Coup "démocratique" !

Le président Lugo, premier président de gauche après 62 ans de pouvoir conservateur (Parti Colorado), vient d’être démis de ses fonctions de président à l’issue d’une demande de destitution émise par le Parlement Paraguayen.
La majorité de la gauche latino-américaine a dénoncé l’aspect illégitime de cette affaire, la présidente argentine, Cristina Kirchner, l’a qualifié de "coup d’Etat illégitime", Evo Morales y a vu un "coup d’Etat parlementaire", Hugo Chavez quant à lui a qualifié d’"illégitime" la prise de pouvoir par son vice-président.

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Le président Lugo, premier président de gauche après 62 ans de pouvoir conservateur (Parti Colorado), vient d’être démis de ses fonctions de président à l’issue d’une demande de destitution émise par le Parlement Paraguayen.
La majorité de la gauche latino-américaine a dénoncé l’aspect illégitime de cette affaire, la présidente argentine, Cristina Kirchner, l’a qualifié de "coup d’Etat illégitime", Evo Morales y a vu un "coup d’Etat parlementaire", Hugo Chavez quant à lui a qualifié d’"illégitime" la prise de pouvoir par son vice-président.

Cela chauffait depuis au moins deux ans [1] pour l’ancien évêque Fernando Lugo, élu en 2008 et surnommé le "président des pauvres". La droite oligarchique s’agitait, considérant ce président comme beaucoup trop à gauche, et certains députés conservateurs regardaient d’un bon œil la voie qui avait été suivie par le parlement hondurien avec son coup d’état parlementaire de juin 2009.

Le fantasme communiste (toujours entretenu par les USA) a donc encore une fois fait son œuvre et l’option de la reprise en main conservatrice a été finalement adoptée cette année. Au prétexte d’une sanglante intervention de la police paraguayenne, le 15 juin dernier, qui s’était soldée par la mort de 17 personnes (11 paysans et 6 policiers), et à la suite de laquelle Lugo avait révoqué le ministre de l’intérieur Carlos Filizzola et le commandant de la police nationale Paulino Rojas [2].

Il n’en fallait pas plus pour que la frange conservatrice du parlement déclenche dès le 16 juin une procédure de destitution à l’encontre du président Lugo. La droite paraguayenne, toujours proche du parti Colorado principal soutien de la dictature de Stroessner (1954-1989), fut soutenue dans son opposition au président par le PLRA, autre parti conservateur, qui un temps s’était allié à la gauche mais s’est désolidarisé jeudi dernier du président à la suite de ses tentatives de réformes fiscales et agraires. (c’est une constante, on ne redistribue pas les terres en Amérique du Sud, ou cela signifie que vous êtes communiste, si si !!).

Dans la matinée, le président paraguayen a bien tenté de ralentir la procédure expresse le visant en saisissant la Cour Suprême et en demandant "de suspendre le procès politique jusqu’à ce que lui soient fournies les garanties constitutionnelles pour sa défense", mais sa demande n’a pas été écoutée.

Interrogé sur une radio argentine avant le verdict, le président Lugo avait dénoncé "un coup parlementaire déguisé en procédure juridique" [3].

Ce procès en destitution demandé par un parlement proche de l’oligarchie paraguayenne constituée principalement de familles de grands propriétaires terriens, a été expédié en 5 heures à peine devant le Sénat.

Plusieurs milliers de personnes se sont immédiatement rassemblés sur la Place d’Arme d’Asuncion, la capitale, pour protester contre cette décision. Ils ont été repoussés par la police à l’aide de gaz et de camions lance-à-eau. Face à la répression le mouvement de protestation s’est rapidement dissous pour se reformer ensuite devant le Congrès, où les manifestants ont respecté l’appel de Lugo "à ne pas verser le sang des justes".

Le président Lugo est accusé d’avoir "mal rempli ses fonctions" à la suite du massacre de 11 paysans sans-terre et la mort de six policiers lors d’une opération visant à déloger les occupants d’une propriété agricole le 15 juin dernier dans le nord-est du pays.

Durant le procès en destitution, quatre sénateurs ont dénoncé un procès expéditif, constituant selon eux une atteinte à la démocratie paraguayenne.

Quelques minutes après cette destitution, le vice-président, Federico Franco aux côtés de son épouse, la députée Emilia Alfaro, a prêté serment devant les caméras. M. Franco est dirigeant du PLRA, le PLRA était en première ligne de la fronde menée contre le président Lugo.

Reste maintenant à savoir qui a soutenu cette énième déstabilisation politique en Amérique Latine. Au vu de la prise de décision par des parlementaires on ne peut plus proche de l’oligarchie et des dernières réformes proposées on peut d’ors et déjà pointer du doigt la reprise en main du pays par les riches industriels et latifundistes. Et si par pur hasard des bases militaires US commencent à s’implanter dans le pays (tout comme cela s’est déroulé au Honduras, qui en compte six de plus depuis juin 2009) il ne faudra pas chercher très loin, juste remonter un peu plus haut au nord...


[2Voir pour cela l’article de Gustavo Zaracho paru hier dans les carnets du Monde Diplo "Paraguay, nouvelles manœuvres pour renverser le président"

[3NDA : c’est là où l’on rejoint étrangement ce qui s’est déroulé au Honduras il y a trois ans. Faites donc une recherche "Honduras" sur notre site pour vous faire votre propre opinion...